Jacques de Molay : Le Dernier Grand Maître
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Qui était Jacques de Molay ? Quel était son rôle dans l'Ordre du Temple ? Nous allons répondre à toutes les questions que vous vous posez sur la vie du dernier grand maître de l'Ordre dans cet article de blog très complet.
Aujourd'hui, nous allons nous intéresser à la vie palpitante de l'une des figures les plus importantes du Moyen-Âge, à savoir Jacques de Molay, le dernier grand maître de l'Ordre du Temple, et nous allons suivre avec lui la dernière marche des Templiers jusqu'au procès pour hérésie qui leur sera intenté par le roi de France. Jacques de Molay, dernier grand maître des Templiers, un ordre de chevalerie fondé pendant les Croisades qui avait atteint une puissance et une richesse considérables.
Dans cet article, nous allons entrer un peu plus en profondeur sur l'histoire de Jacques de Molay mais aussi sur l'histoire de l'ordre du temple. Pour mieux comprendre la vie de Jacques de Molay, nous aurons besoin de creuser certains détails concernant les archives de l'ordre.
1) Les Origines du Dernier Grand Maître
L'histoire de Jacques de Molay est très difficile à définir avec précision. Nous savons qu'il est issu de la petite noblesse bourguignonne, probablement originaire de Haute-Saône ou du Jura. Il est né entre les années 1244 et 1248 et son enfance sera marquée par la croisade du roi Saint Louis. Les raisons qui le poussent à rejoindre l'Ordre du Temple nous sont inconnues. Il est possible que certains de ses aïeux les inspirer. Cependant, nous ne disposons pas d'éléments pour le prouver. Il intègre la milice des Chevaliers du Christ en l'année 1265 dans la commanderie de Beaune et portera le manteau blanc. Il est donc fait chevalier. Nous ne savons pas précisément quelles sont les actions de Jacques de Molay au sein des Templiers lors de ses premières années. Il ne semble pas avoir occupé de poste important aussi bien en Orient qu'en Occident. C'est encore un anonyme au sein de l'Ordre. Il est probable que de Molay sera en Terre sainte rapidement avant l'année 1273, sans certitude. Mais la géopolitique de l'Orient de cette époque demandera un apport régulier et massif de jeunes chevaliers.
Nous retrouvons sa trace lors du deuxième concile de Lyon, en 1274. Jacques de Molay se trouve en Occident et assiste au concile en compagnie du grand maître de l'époque, à savoir Guillaume de Beaujeu. Ce concile est très important, car c'est lors de cette réunion que sera évoquée pour la première fois, la fusion des ordres hospitaliers et des Templiers. Les deux groupes de chevaliers étaient en rivalité depuis longtemps et plusieurs tensions avaient fait naître l'idée de les réunir en un seul afin de centraliser la puissance, mais également d'empêcher de futurs incidents en Terre Sainte. La fusion sera repoussée par Guillaume de Beaujeu, mais la question reviendra lorsque Jacques de Molay deviendra le maître du temple pour faire un petit pont historique. Je vous rappelle que l'Ordre du Temple fut créé en Terre sainte en 1119 et sera reconnu par la papauté au concile de 3 en 829. l'Ordre de moines chevaliers est bien sûr présent en Terre sainte, malgré le fait que les États latins d'Orient ont des territoires de plus en plus réduits. Néanmoins, l'Ordre du Temple est également présent en Occident et possède de nombreuses commanderies, aussi bien en Italie, Espagne, Allemagne, Royaume-Uni, mais également la France. Donc, au moment où Jacques de Molay intègre l'Ordre du Temple, il s'agit encore d'une organisation qui a un poids politique, une puissante armée et possède encore une large influence. Mais maintenant, il va nous falloir analyser le contexte historique qui a vu les premières années de Jacques de Molay en tant que jeune Templier.
2) La courte trêve avec les Mamelouks
La situation des chrétiens en Orient est catastrophique. La principauté d'Antioche venait d'être détruite par les Mamelouks d'Égypte et les forteresses tombaient les unes après les autres. Les chrétiens en étaient réduits à vivre dans quelques enclaves fortifiées sur le littoral. La croisade de secours du roi Saint Louis ne prendra pas la route de la Terre sainte et se soldera par un échec devant les murs de Tunis. Les croisés sont livrés à eux-mêmes face à la violence des armées mamelouks. C'est dans ce contexte que Jacques de Molay participe aux événements. Thomas Bérard est le maître de l'ordre entre 1256 jusqu'en 1273. Il dirigera les Templiers pendant la pire période des croisades, sans que la responsabilité de la déperdition des positions chrétiennes ne puisse lui être imputée. Elles sont le fait de l'arrivée des Mamelouks sur la scène politique.
Thomas Bérard est un réformateur. Il veut remodeler l'ordre et notamment adoucir les relations avec les autres ordres de chevalerie templiers ou hospitaliers et deux toniques conviennent d'un accord si deux ordres sont en conflit. Le troisième prendra le rôle d'arbitre. Thomas Bérard suit la ligne politique définie quelques années plus tôt par Saint Louis. Il est partisan de l'alliance avec les Mongols contre les Mamelouks et la mise en place d'une nouvelle croisade d'envergure, rejetant les petites expéditions d'escarmouches qui sont facilement repoussées par les musulmans. Son successeur, Guillaume de Beaujeu, prendra une voie totalement différente. Le nouveau maître du temple est élu en 1274 et c'est lui qui participe au concile de Lyon. Mais contrairement à son prédécesseur, ce n'est pas un réformateur. Il ne souhaite pas l'alliance avec les Mongols. Au contraire, il préfère entretenir de bonnes relations avec les Mamelouks et s'oppose à une nouvelle croisade. Il nous faut préciser que Guillaume de Beaujeu était proche du roi de Sicile, Charles d'Anjou, et ce dernier ne souhaitait pas de conflit avec le sultan d'Égypte afin d'asseoir sa position en Méditerranée. Guillaume de Beaujeu suit la politique angevine avec ferveur et préfère assurer la présence des Francs en Terre sainte uniquement via les puissantes forteresses collées à la mer, plutôt que de jouer la carte mongole. Au moment de l'élection de Guillaume de Beaujeu, une trêve est en cours avec le sultan mamelouk suite à la neuvième croisade conduite par Édouard 1er d'Angleterre. Cependant, la situation reste précaire. Les trêves avec les Mamelouks ne durent jamais très longtemps et la cité de Tripoli tombe en 1289 et Saint-Jean-d'Acre est la prochaine cible. La politique de ménagements conduite par Guillaume de Beaujeu n'a pas porté ses fruits et les dernières enclaves chrétiennes sont sur le point de disparaître.
Le siège de Saint-Jean-d'Acre a lieu en 1291 et le grand maître sera tué. Après une brillante résistance, les Templiers évacuent le trésor, les archives et les reliques vers l'île de Chypre avant la chute de la ville. L'une des premières questions qui nous intéresse par rapport au sujet de cet article et de savoir si Jacques de Molay a été présent lors du siège de Saint-Jean-d'Acre. Et bien nous n'avons encore une fois aucun texte et aucune information qui nous permet de l'attester. Cependant, il est probable que Jacques de Molay était en Orient et de ce fait, comme tous les Templiers d'Orient, il a fatalement dû combattre dans la place forte de Saint-Jean-d'Acre où, éventuellement, il était peut-être basé à Château Pèlerin ou encore à Sidon ou à Byblos. Lors de la chute de Saint-Jean-d'Acre, il y avait deux grands personnages dans l'ordre Pierre de Brie, maréchal de l'Ordre, et Thibaut Gaudin, sénéchal de l'Ordre. Habituellement, il est de coutume que ce soit l'un de ces deux hommes qui prennent la succession du grand maître. Or, Guillaume de Beaujeu venait de mourir au siège de Saint-Jean-d'Acre. Pierre de Sivry va rester sans combattre et mener la lutte jusqu'à la fin. Dans la citadelle du Temple, on appelle la voûte d'Acre. De son côté, Thibaut Gaudin sera chargé d'évacuer les archives, les reliques et tous les biens qui appartiennent à l'ordre, et notamment le fameux soi-disant trésor. Il sera également chargé d'évacuer les hommes jusqu'à l'île de Chypre. C'est ainsi que certains ont considéré que Thibault Gaudin était un lâche qui avait fui Saint-Jean-d'Acre. Mais en réalité, il fallait bien qu'il y ait une subsistance puisque la ville était de toute façon perdue. C'est donc à Chypre que va continuer l'aventure des Templiers.
L'Ordre du Temple est dans une position critique. Une large part de ses combattants sont morts à Saint-Jean-d'Acre et la perte des positions chrétiennes est un coup dur. Les vestiges du temple se regroupent autour de Thibaut Gaudin, qui est élu maître du temple sur l'île de Chypre. Il est difficile de savoir les conditions exactes de son élévation étant donné que les Commandeurs de Provence n'ont pas fait le déplacement en Orient. Il est probable que Thibault Gaudin ait dû prendre les rênes de l'Ordre rapidement, sans passer par une élection, une sorte d'intérim dans une situation délicate. La situation exigeait des réponses rapides et les Templiers de Chypre se sont ralliés à la figure d'autorité et d'expérience qu'ils avaient sous la main. C'est là qu'apparaît Jacques de Molay. D'après certains, il aurait fait partie du gouvernement de Thibaut Gaudin sans aucune certitude, mais hautement probable. Le maître du temple par intérim meurt au début de l'année 1292 et l'élection du nouveau maître va avoir lieu dans des conditions régulières. Jacques de Molay fut un templier discret jusque là, aucun poste de commandeurs ou de responsabilité ne nous est connu. Il est pourtant peu probable qu'il soit un total inconnu. Il était le maître du temple le 20 avril 1292.
Alain Demurger, spécialiste de l'histoire de l'ordre, nous propose une hypothèse sur l'absence ou la discrétion de Jacques de Molay dans les archives de l'Ordre. Il est probable qu'il fut un proche de l'ancien maître Tibo Bérard, le réformateur partisan de l'Alliance mongole, et se soit posé en opposition avec la politique de Guillaume de Beaujeu de conciliateur avec les Mamelouks. Il n'aurait donc tout naturellement pas tenu de postes à responsabilité lors de la maîtrise de Beaujeu, étant en opposition avec sa politique lors de la débâcle de Saint-Jean-d'Acre et malgré l'héroïsme du grand maître. La politique de Guillaume de Beaujeu fut sérieusement mise en doute, ce qui permit au camp d'opposition de prendre la main après le court interlude de Thibaut Godin, qui fait office de maître de transition lors de l'évacuation.
3) Jacques de Molay devient maître de l'Ordre du Temple
Jacques de Molay est élu maître du temple et il ne semble pas y avoir eu de contestation au sein de l'Ordre. Néanmoins, certains historiens hypothèses le fait qu'il y aurait deux politiques au sein de l'ordre. D'un côté, celle matérialisée par Jacques de Molay dans la ligne directrice de Tibo Bérard, partisan d'une reconquête de la Terre sainte, d'une restructuration des États latins d'Orient et surtout, d'une croisade d'envergure. Puis, de l'autre côté, il y a Hugues de Pérot, plus diplomate, partisan d'une relation plus pacifiste avec les musulmans et donc d'une sorte de statu quo. Une politique d'apaisement. Néanmoins, au vu des éléments historiques dont nous disposons, il ne semble pas y avoir eu de contestation encore une fois de l'arrivée de Jacques de Molay en tant que grand maître par le dénommé Hugues de Perrot.
A. Un dilemme périlleux
Le nouveau grand maître va devoir affronter des difficultés comme jamais l'ordre n'en connu. Les États latins d'Orient ont explosé. Il ne reste maintenant plus que le royaume de Chypre et les musulmans ont retrouvé la suprématie totale de la puissance sur l'Orient. Néanmoins, la vocation même de l'Ordre du Temple est la conquête de la Terre Sainte et la protection des lieux saints du christianisme. Donc, la question se pose. L'Ordre du Temple a-t-il encore une légitimité, sachant que la Terre sainte n'appartient plus aux chrétiens ? Bien sûr, il y a une large organisation en Occident, avec des milliers de commanderies réparties dans toute l'Europe. L'Ordre du Temple a un réel pouvoir temporel et militaire, mais son existence même est remise en cause. Jacques de Molay va devoir faire face à ce nouveau dilemme. Il va devoir être l'artisan d'une nouvelle entreprise de croisade. Et pour cela, il doit convaincre les seigneurs d'Occident.
B. Le grand maître prend le contrôle
Jacques de Molay n'est pas un grand maître passif, comme beaucoup l'ont décrit, au contraire, c'est un homme d'action qui se démène pour faire bouger la situation. Il entretient une large correspondance avec les puissances occidentales et notamment avec la Couronne d'Aragon. Il mène plusieurs expéditions militaires pour la défense de l'Arménie chrétienne contre les musulmans et s'emploie à réactiver l'Alliance mongole, dont Saint-Louis et Thomas Bernhard avaient rêvé. Jacques de Molay installe son gouvernement sur l'île de Chypre et prend la route de l'Europe en 1293 afin de réformer l'ordre. Le dépoussiérer ou du moins lui donner un nouveau souffle. Le grand maître. Voyage en Aragon, en France, en Angleterre et en Italie. Et c'est peut-être dans cette période qu'il rencontra Philippe le Bel, le roi de France. Mais nous n'avons pas de certitudes sur la question.
Il sillonne l'Europe pour rallier les princes d'Occident à sa cause. Il assiste à l'élection du nouveau pape Boniface VIII, avec qui il entretient d'excellentes relations. Contrairement au roi de France, qui sera en conflit ouvert avec le nouveau pape. Jacques de Molay reprend la route de la Terre sainte en 1996 et s'emploie à préparer l'avenir et la reconquête de la Terre sainte. Les Templiers, assistés de l'hôpital et du royaume de Chypre, coordonnent les actions avec celles des Mongols.
Jacques de Molay sera le maître d'oeuvre de ces opérations. La première action sera lancée sur l'Égypte en 1300. Somme toute modeste, mais suffisante pour perturber les sultans mamelouks, bien occupé avec la pression mongole en Syrie. Les chrétiens possèdent la suprématie maritime sur la Méditerranée et Jacques de Molay compte bien profiter de cet avantage pour ouvrir une tête de pont en Orient afin de permettre le débarquement d'une nouvelle croisade. L'opération prend forme. Les Templiers s'implantent sur l'îlot de Rouad, juste devant les côtes syriennes et la citadelle de Tortose. Jacques de Molay sait qu'aucune croisade occidentale n’est en marche, mais les Mongols prévoient une vaste opération militaire contre les Mamelouks.
C. Un événement imprévu
Les Templiers négocient avec le grand Khan pour la possession future de Jérusalem et des anciens territoires chrétiens. Ils trouvent un accord, mais l'armée mongole fait défection et repousse ses opérations, laissant les Templiers seuls sur l'îlot, à maintenir la tête de pont pour le projet de croisade qui est en cours. L'absence des Mongols permet aux Mamelouks de concentrer leurs forces contre les chrétiens sur l'îlot de Rouad. Mais les catastrophes s'enchaînent. La marine chypriote ne vient pas au secours des Templiers, malgré les insistants de Jacques de Molay. La centaine de Templiers tiennent la position sur l'île, mais les Mamelouks parviennent à débarquer. Devant l'absence de la flotte chrétienne, les Templiers résistent quelque temps. Puis les Mamelouks leur offrent la reddition et la possibilité de repartir vers Chypre en toute sécurité. Les Templiers acceptent, mais les Mamelouks les font exécutés sans sommation, violents une nouvelle fois leurs traités. Les défenseurs de Rouad ont bel et bien été abandonnés à leur sort par la flotte chypriote et le roi Henri II. Jacques de Molay n'abandonne pas pour autant son projet de croisade malgré ce nouvel échec, son objectif reste la mise en place d'une tête de pont pour un futur débarquement massif. Mais l'alliance mongole n'était plus fiable. La reconquête devra venir de l'Occident et il fallait maintenant convaincre les princes pour la mise en place d'une grande expédition. À l'image des trois premières croisades.
D. Un opposant de taille
Jacques de Molay est un homme d'une autre époque. Il lutte de façon acharnée afin de renoncer l'idéal des croisades et de reprendre pied en Terre sainte. Malheureusement, la plupart des souverains d'Europe sont déjà passés à autre chose et ont définitivement abandonné le rêve de Jacques de Molay. Le siège de l'Ordre du Temple, quant à lui, se trouve sur l'île de Chypre. Néanmoins, les relations du roi Henri II avec Jacques de Molay sont plutôt tendues et on peut dire qu'il y a une véritable animosité entre les deux hommes.
Lorsqu'il y aura un coup d'État contre le roi de Chypre Henri II, Jacques de Molay prendra le parti de son opposant. Malheureusement pour lui, le roi Henri II réussira à maintenir son pouvoir, ce qui mettra les Templiers dans une position délicate sur l'île de Chypre, là où se trouve le gros de ses forces militaires. Au niveau de l'Europe, le pape Boniface VIII, qui entretenait d'excellentes relations avec Jacques de Molay, va mourir suite à certaines manigances du roi de France, qui va malmener un petit peu Boniface VIII, notamment en le faisant capturé et molesté. Ce qui fait que le vieil homme va mourir un mois plus tard. À la suite de cela, le roi de France Philippe le Bel souhaite un contrôle sur l'Église catholique et de ce fait, il va piloter les élections afin que ce soit un Français qui accède au trône de Saint-Pierre. Et ce sera ainsi Bertrand Dogo, mieux connu sous le nom de Clément V, qui va accéder à la papauté. Un homme qui fut mis en place par Philippe le Bel, mais qui va se révéler d'un véritable sens politique. Notons également que les Templiers, mais également les autres ordres de moines de chevaliers, commençaient à attiser les rumeurs. De sombres histoires commençaient à graviter autour de ces moines chevaliers qui avaient perdu la Terre sainte et qu'on soupçonnait d'actes hérétiques, de parjure ou de tout un tas d'autres méfaits. Leur légitimité, leur existence même, commençait à être remise en cause.
4) La fusion des Ordres de chevalerie
Le pape Clément V convoque le maître du temple et de l'hôpital en Europe pour répondre à deux questions. L'avenir des croisades et la reconquête de la Terre sainte, mais aussi la fusion des deux ordres de chevalerie. Jacques de Molay sait que la fusion des deux ordres est inévitable à plus ou moins long terme, mais il souhaite également que la fusion des Templiers et des Hospitaliers soit plus une absorption du temple par l'hôpital. Et il va défendre ses positions et défendre ses arguments contre le projet. Jacques de Molay arrive en Europe en 1306 et prend connaissance des rumeurs qui accusent des Templiers. Il est difficile de savoir si Jacques de Molay prend conscience de la gravité de la situation au début de l'année 1307. Certes, il avait commencé la restructuration de l'ordre, mais il s'agissait surtout de réformettes, plus qu'une résolution des problèmes de fond. Il ne savait pas plus qu'un projet était en gestation depuis 1305 dans la tête du roi de France. S'attaquer aux Templiers dans le but d'affaiblir la papauté et tous les éléments étaient réunis pour que Philippe le Bel passe à l'action. Jacques de Molay est le maître de l'hôpital exposent leurs projets au pape sur la question de la reconquête.
Foulques de Villaret, maître des hospitaliers, propose la mise en place d'une croisade d'envergure, mais que celle-ci soit précédée de petites expéditions dans le but de préparer le terrain pour la grande. Avec comme cible l'Égypte, Jacques de Molay et le Temple ne partagent pas le même avis. Pour lui, les expéditions préparatoires sont une perte de temps et surtout, sans effet. L'exemple de l'îlot de Rouad est un bon exemple. Une petite troupe sera systématiquement balayée par les Mamelouks. Il mise sur une expédition d'envergure de la même façon que la troisième croisade, mais avec l'Égypte comme cible, afin de frapper au cœur de l'empire mamelouk. Sur la question de la fusion des ordres, Jacques de Molay expose ses contre-arguments.
Il craint notamment que l'ordre réuni passe sous la direction d'un souverain temporel comme le roi de France, ce qui lui enlèverait son rôle initial pour le faire sombrer dans les affaires politiques européennes. Ce qui n'était pas sa fonction. La question de la fusion des ordres tombe à l'eau. Du moins pour le moment. Mais Jacques de Molay, par son refus systématique, se place dans une position délicate et notamment face au roi de France, qui briguait justement la création de cet ordre unique et d'en prendre la tête. À noter cependant que la plupart des souverains d'Europe étaient favorables à la fusion des ordres. Tous voulaient d'ailleurs en prendre le contrôle. Le roi de France était le plus actif. Il n'avait pas envie que le futur ordre de chevalerie devienne l'armée personnelle du pape.
5) La Fin de l'Ordre du Temple
A. Arrestation des Templiers par le roi de France Philippe le Bel
Jacques de Molay prend conscience des rumeurs et des calomnies qui gravitent autour de l'Ordre du Temple et décide de prendre les choses en main. Il sollicite le pape afin que ce dernier ouvre une enquête pontificale de façon à faire la lumière sur tous les ragots qui gravitent autour de l'Ordre du Temple. Mais ce qu'il ne savait pas à ce moment-là, c'est que le roi de France et ses deux éminences grises, Enguerrand de Marigny et Guillaume de Nogaret, avaient déjà monté tout un dossier afin d'accuser publiquement l'Ordre du Temple. Hugues de Pérot, dont nous avons déjà parlé tout à l'heure, l'un des hommes forts des Templiers de cette époque était bon ami avec le roi de France Philippe le Bel et va tenter d'intercéder, de créer le lien entre Jacques de Molay et le roi de France afin d'éviter la catastrophe. Néanmoins, cela ne va pas fonctionner. La machine était déjà en place et le roi de France fait envoyer des missives dans toute l'Europe afin d'ordonner l'arrestation des chevaliers du Temple. Son but était de couper l'herbe sous le pied au pape afin que l'enquête pontificale n'ait pas le temps d'être mise en place. Son but était d'arrêter les Templiers rapidement, de leur faire avouer leurs crimes et de s'emparer des richesses du temple. L'une des erreurs que le pape Clément V a faites a d'ailleurs été d'avertir le roi de France que l'enquête pontificale allait commencer au mois de novembre. Et c'est ainsi que les choses vont se précipiter.
Philippe le Bel va lancer son opération. Le vendredi 13 octobre 1307, tous les Templiers de France arrêtés par les hommes de Philippe le Bel. Une poignée de Templiers réussiront néanmoins à s'échapper, notamment le maître de France Gérard de Villiers avec ses 40 hommes. Le roi de France envoie des missives à tous les souverains d'Europe afin de les enjoindre à procéder à l'arrestation des Templiers de leur royaume en raison de pratiques hérétiques.
La plupart n'accordent pas de crédit aux accusations et ne suivront pas le roi de France dans sa démarche. Les Templiers sont torturés par les inquisiteurs et les aveux sont arrachés. Jacques de Molay lui-même confesse deux crimes le reniement du Christ et le fait de cracher sur la croix lors de la cérémonie d'initiation au Temple. Mais il réfute les autres accusations, comme l'adoration d'une idole ou la pratique homosexuelle au sein de l'ordre. La question de savoir si Jacques de Molay a été torturé fait encore débat de nos jours et plusieurs documents contradictoires maintiennent le doute.
Pragmatiquement, la torture ou la menace de torture peut être suffisante pour expliquer la position de Jacques de Molay. Notons quand même que les déclarations du grand maître sont très sommaires. Il est tout à fait possible que de Molay dise simplement la vérité sur des pratiques en usage dans l'ordre, sachant bien que de nombreux Templiers en feraient mention lors des interrogatoires. Le grand maître, probablement manipulé, écrit un manifeste incitant les Templiers à ne rien cacher et à répondre aux questions des inquisiteurs, ce qui, de toute façon, était déjà le cas. Philippe le Bel pouvait savourer sa victoire. Il pense déjà avoir brisé l'ordre par les révélations de centaines de Templiers. Notons que le but de cet article n'est pas d'exposer tous les éléments du procès des Templiers, mais de suivre l'histoire de Jacques de Molay et de sa posture face aux accusations. Les Templiers ainsi que les dignitaires ont avoué. C'est suffisant pour condamner l'ordre aux yeux de Philippe le Bel. Mais le pape cherche à reprendre les choses en main et de toute façon, à l'état de la situation, l'Ordre du Temple ne pouvait plus s'en sortir indemne. Le pape Clément ordonne l'arrestation de tous les Templiers d'Europe le 22 novembre.
B. Les Templiers sont livrés à eux-mêmes
Il y aura néanmoins des résistances dans les royaumes d'Aragon et sur l'île de Chypre. Clément V exige d'interroger lui-même les Templiers et en particulier les dignitaires. Il envoie deux évêques qui rencontrent de Molay, et ce dernier rétracte ses aveux. Le pape ordonne de rencontrer les Templiers et le chef de l'Ordre lui-même à Poitiers. Philippe le Bel, qui sent que la situation lui échappe, décide d'envoyer 72 Templiers soigneusement sélectionnés à Poitiers, mais prétextes du mauvais état de santé des dignitaires pour les évacuer. Le pape envoie de nouveau ses émissaires rencontrer Demolin. Nous sommes en 1308, les cardinaux interrogent de Molay et ce dernier revient à ses premiers aveux et reçoit l'absolution de ses crimes. Une situation compliquée. Pourquoi de Molay revient sur ses aveux ? Il n'a pas été torturé. Il est probable qu'il y ait une entente avec les émissaires du pape. Il était peut-être inutile de nier l'évidence des pratiques du rituel d'initiation au vu des centaines de témoignages à travers toute la France. La commission pontificale se met en place afin de juger l'Ordre du Temple. Mais Philippe le Bel pouvait juger indépendamment les Templiers en tant qu'individu, mais n'avait aucun pouvoir pour s'attaquer à l'ordre directement. C'est donc deux procédures qui cohabitent et s'opposent. Jacques de Molay est entendu par la commission pontificale en 1310 et sa posture de défense ne manque pas d'intriguer. Rappelons-nous qu'il avait reçu l'absolution de ses crimes et qu'il y avait probablement une entente avec le pape. Le grand maître ne rétracte pas ses aveux et s'en remet au seul jugement du pape quant à l'avenir de l'Ordre du Temple, il se mure dans le silence et ne parlera plus jusqu'en 1314, du moins d'après les sources qui nous sont connues. À ce stade du procès, la situation est extrêmement compliquée, la plupart des Templiers sont livrés à eux-mêmes. Précisons qu'il y a environ 500 personnes qui ont été arrêtées sur le territoire de France aujourd'hui. Nous n'allons pas nous intéresser aux différents cas qui ont lieu en Europe, qui sont totalement différents du cas français.
Les Templiers sont livrés à eux-mêmes et surtout, ne peuvent pas solliciter leurs dignitaires afin d'assurer la défense de l'ordre. L'arrivée sur la scène politique de la commission pontificale va rassurer de nombreux Templiers qui pensent que grâce à cela, ils vont pouvoir défendre leur cause. Vont d'ailleurs rétracter leurs aveux afin de prendre la défense de l'ordre et surtout, de contrecarrer toutes les calomnies lancées par le roi de France. Mais c'était mal connaître Philippe le Bel. Faisons un petit point de la situation. D'un côté, nous avons la commission pontificale qui allait juger l'Ordre du Temple dans sa globalité par rapport aux accusations. Puis, d'un autre côté, nous avons Philippe le Bel et le Grand Inquisiteur de Paris, ainsi que ses deux acolytes, Enguerrand de Marigny et Guillaume de Nogaret, qui pouvaient juger les Templiers indépendamment pour pratiques hérétiques. C'est ainsi que lorsqu'un Templier prenait la défense de l'ordre, rétractant leurs aveux, alors, à titre individuel, Philippe le Bel le déclarait relaps et l'envoyer au bûcher. C'est ainsi que de nombreux Templiers seront brûlés sur la place publique, ayant rétracté leurs aveux. C'est ainsi que les autres ne vont plus oser rétracter leurs aveux et ne vont plus assurer la défense de l'ordre, qui se retrouve complètement livré à lui-même, encore une fois, sans le soutien des dignitaires qui se sont murés dans le silence. Il fallait attendre maintenant que le pape Clément prenne sa décision quant au jugement de l'Ordre du Temple dans sa globalité.
C. Les 3 destins possibles à la suite du procès individuel de chaque Templiers
Le concile de Vienne de 1312 va statuer sur l'avenir de l'ordre. Philippe le Bel souhaite sa condamnation pure et simple et que les richesses du temple sur le sol français lui reviennent. Clément V ne peut plus sauver l'Ordre du Temple, mais va faire une dernière entourloupe au roi de France. Il déclare l'abolition de l'Ordre du Temple sans le condamner et ses richesses et possessions reviendront à l'ordre des Hospitaliers. La fusion des deux ordres avait bien lieu. Plutôt une absorption par l'hôpital, comme le redoutaient les Templiers. Mais Clément V avait volé la victoire au roi de France. L'Ordre n'est pas condamné, mais les Templiers, individuellement, le seront. Le pape conserve la prérogative du jugement des quatre dignitaires qui seront enfermés au château de Gisors. Il existe trois destins possibles pour chaque Templiers à la suite de leur procès individuel.
- Première situation : Ils ont avoué leurs crimes et ne sont jamais revenus sur leurs déclarations. Dans ce cas de figure, ils seront libérés et absous de leurs péchés et certains d'entre eux rejoindront d'autres ordres de chevalerie ou des monastères par la suite.
- Deuxième situation : Ils n'ont jamais avoué de crime et dans cette situation, ils seront condamnés à la prison à vie, car ils sont considérés comme menteurs.
- Le troisième cas de figure est le plus complexe. Il s'agit de ceux qui ont avoué des crimes et sont revenus sur leurs aveux par la suite. La plupart seront déclarées relapses et brûlées sur le bûcher. Dans cette situation, nous comprenons pourquoi de nombreux Templiers ont avoué leur crime sans revenir ultérieurement sur leurs déclarations. C'était la seule méthode pour s'en sortir individuellement.
D. Jacques de Molay brûlé au bûcher
Nous arrivons au jugement des dignitaires en 1314. Jacques de Molay, le grand maître du temple, Geoffroy de Charnay, commandeur de Normandie, Hugues de Pérot, grands visiteurs de France qui, accessoirement, était en bonne relation avec Philippe le Bel avant les événements. Ce qui ne l'empêchera pas d'être condamné comme les autres. Et pour finir, Geoffroy de Gonneville, maître de la province Aquitaine. Tous seront condamnés à la prison à perpétuité alors que l'ordre n'existait plus depuis la bulle papale. Vox in, exception du concile de Vienne.
Jacques de Molay s'insurge et revient sur ses aveux et se déclare innocent, ainsi que l'ensemble de l'Ordre du Temple. Geoffroy de Charnay le suit dans ses déclarations. Les deux hommes savent très bien ce qui les attend. Hugues de Perrot et Geoffroy de Gonneville restent dans le silence. Philippe le Bel sont sourcillé, les déclare relapses et les condamne au bûcher qui aura lieu le soir même sur l'île de la Cité, à Paris. C'est encore une violation du droit canon. Car la décision devait revenir au pape. Mais Philippe le Bel avait depuis longtemps dépassé ses attributions. Jacques de Molay monte sur le bûcher et prononce ses dernières paroles à l'encontre de l'injustice qui frappe à l'ordre en sollicitant la justice divine qui seul connaît la vérité sur l'Ordre du Temple.
E. L'Ordre du Temple disparaît
Contrairement à de nombreuses idées reçues, l'Ordre du Temple n'a jamais été condamné dans sa globalité par le pape Clément V. Il n'a jamais été déclaré hérétique et les accusations portées à son encontre n'ont jamais été validées. L'Ordre du Temple a simplement disparu. Il a cessé d'exister par une bulle papale qui mettait fin à ses prérogatives et à son existence à la suite de cela, tous les biens du temple reviennent à l'ordre de l'hôpital sur le territoire français.
Il existe une légende qui dit que le dernier grand maître du temple sur son bûcher aurait prononcé une phrase à l'encontre de Guillaume de Nogaret, du pape Clément V et du roi de France Philippe le Bel à venir se présenter devant le tribunal de Saint-Pierre sous une année. Or, il est vrai que les trois personnages vont avoir une mort rocambolesque. Notons quand même que Guillaume de Nogaret était mort avant le bûcher de Jacques de Molay et que, en effet, le pape Clément V va mourir environ un mois après le procès, du moins, après le bûcher de Jacques de Molay et le roi de France, un petit peu moins d'une année. Malheureusement, cette phrase n'a probablement jamais été prononcée. En réalité, elle fut inventée par Maurice Druon dans la série de livres les rois maudits, prêtant un côté légendaire à la mort de Jacques de Molay. Néanmoins, il est vrai inversement, que Jacques de Molay a réellement invité à ce que la vérité sur le temple soit faite dans l'autre monde, dans le paradis, et que seul Dieu connaissait la vérité sur les secrets de l'Ordre du Temple et sur la véracité des éventuelles accusations. Il estimait que l'Ordre était innocent et s'en remettait au tribunal de Dieu. Ce fut d'ailleurs la principale erreur de Jacques de Molay. Celui-ci, un moment, s'est muré dans le silence et n'a pas pris à bras le corps la défense de son ordre. Il est possible et même probable que l'Ordre n'aurait jamais pu être sauvé, ni par Jacques de Molay ni par aucun des autres dignitaires. Néanmoins, le fait de se murer dans le silence et de s'en remettre uniquement au pape qui, rappelons-le, avait été placé par le roi de France sur le trône de Saint-Pierre fait que le pape Clément V était dans une position relativement délicate. Également, contrairement à d'autres idées reçues le pape Clément V n'a pas accusé les Templiers. Il n'a pas cherché à les détruire comme présenté dans le film et le livre 'Da Vinci Code'. Au contraire, Clément Von a tenté de les protéger. Mais ce n'était pas à sa mesure. Il n'a fait que limiter la casse. Si l'on peut dire, en prônant l'abolition de l'ordre et en volant les richesses, en empêchant Philippe le Bel de mettre la main dessus et en transmettant à l'ordre des hospitaliers.
Néanmoins, les légendes sont tenaces et le souvenir de Jacques de Molay va enflammer l'imaginaire et survivre aux siècles, et notamment lors de la Révolution française, lorsque Louis XVI sera décapité après les événements de la Révolution. Certaines personnes dans la foule vont crier 'Jacques de Molay, tu es vengé !', ce qui rappelle que le souvenir de l'Ordre du Temple était encore vivace et que Louis XVI était considéré comme le digne descendant de Philippe le Bel, qui avait martyrisé l'Ordre du Temple.
6) Conclusion : La Fin d'une Époque
Alors, pour conclure, l'Ordre du Temple était-il coupable ou innocent ? Et bien c'est une question très délicate et nous tenterons d'y répondre dans un prochain article qui sera dédiée à ce sujet. Aujourd'hui sur la figure de Jacques de Molay, certains ont considéré que c'était un mauvais grand maître et que c'est à cause de lui que l'ordre a été condamné. Ce jugement semble un petit peu péremptoire et même totalement arbitraire. Jacques de Molay fut un homme de son temps, digne successeur de Tibo Bérard. C'était un homme des croisades. Son seul et unique objectif était la grandeur de l'ordre et la reconquête de la Terre sainte. Néanmoins, il a été confronté à une situation qu'aucun grand maître avant lui n'avait eu à vivre. Peut-être qu'un autre homme, un diplomate, par exemple Hugues de Perrot, aurait été plus en mesure de protéger l'Ordre du Temple face au procès qui leur sera intenté. Néanmoins, Jacques de Molay était un homme de terrain, un homme de l'Orient, un homme de la croisade et de la reconquête de la Terre sainte. Ce n'était pas un politicard, ce n'était pas un homme préparé aux manigances politiques de l'Europe, qui en avait fini avec l'âge des croisades et qui en avait fini avec l'Ordre du Temple. Cette puissance à l'intérieur de l'État a été l'élément décisif qui a poussé Philippe le Bel à se débarrasser d'eux. Il y avait plusieurs raisons. Tout d'abord, le but était d'affaiblir la papauté, mais également d'améliorer ses finances, si l'on peut dire, en s'appropriant les richesses du temps, mais surtout d'éviter la création d'un État dans l'état d'une séparation. Car il est vrai que les Templiers possédaient énormément de commanderies sur le sol français et de ce fait, une large portion du territoire. Jacques de Molay, quant à lui, restera pour l'éternité l'une des figures centrales du Moyen-Age, marquant la fin d'une époque en tant que dernier grand maître de l'Ordre du Temple. Ce fameux ordre de moines chevaliers qui excite tant l'imaginaire et qui véhicule tant de fantasmes. Son souvenir restera au-delà des siècles.
Christian goffin
Superbe article,continuer a nous parler des templiers, hospitaliers et des croisades