L'Ordre Teutonique : Les Chevaliers Teutoniques
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Qui étaient réellement les Chevaliers Teutoniques ? Pourquoi et pour qui se battaient-ils ? Asseyez-vous confortablement et plongeons ensemble dans leur histoire plus vraie que nature dans cet article de blog très complet sur la vie trépidante des chevaliers de l'ordre Teutonique !
Lorsque l'on prononce le mot croisade, on pense directement à des tableaux dévoilant un splendide panorama du Moyen-Orient accablant sous le soleil des chevaliers venant faire acte de leur conviction en amochant de l'infidèle. Et qui peut-être mieux placé que l'ordre des Templiers pour parfaire ce spectacle digne du film Kingdom of Heaven.
Cependant, les croisades ne se résument pas uniquement aux pèlerinages musclés vers Jérusalem et réduire les ordres de moines-chevaliers aux Templiers serait négliger le fait qu’il y a eu d’autres ordres légèrement différents dont un plutôt à part qui a marqué l’histoire : l’Ordre des chevaliers teutoniques.
1) Les Origines de l'Ordre Teutonique
L'histoire de l'Ordre Teutonique remonte à la troisième croisade et à l'échec de la croisade allemande de l'empereur Frédéric Barberousse suite à la mort de celui-ci, alors qu'une grande partie de l'armée fait demi-tour. Une petite partie conduite par son fils Frédéric de Souabe rejoint les troupes croisées de Richard Cœur de Lion et de Philippe II Auguste au siège de Saint-Jean-d'Acre. C'est sous les murs de la ville, en 1190, qui est alors créée un hôpital de campagne destiné à soigner les croisés germaniques. À partir de là, nous sommes sur un provisoire qui dure longtemps. Cet hôpital de campagne est le point de départ de l'Ordre Teutonique ou de son nom officiel d'alors, Maison de l'hôpital des Allemands de Sainte-Marie de Jérusalem. Plus tard, c'est en 1198 que la décision est prise de créer une branche militaire à cet hôpital qui sera approuvé par le pape Innocent III le 19 février 1199. C'est le début des chevaliers teutoniques. Pourtant, les débuts de l'Ordre Teutonique ne sont pas flamboyants, même s'ils disposent d'une certaine aisance financière, leur permettant notamment d'acheter des immeubles à Saint-Jean-d'Acre. Ils restent peu importants par rapport aux deux autres poids lourds que sont l'Ordre des Templiers et l'ordre des Hospitaliers. En revanche, tout comme eux, son destin semble lié au futur de la Terre sainte.
A. Le Quatrième Grand Maître
Ce dernier n'est autre qu'un certain Hermann von Salza, qui n'est d'ailleurs pas n'importe qui puisqu'il s'agit du quatrième grand maître de l'Ordre Teutonique, mais qui est Hermann von Salza ? On ne sait pas grand-chose sur lui, si ce n'est qu'il est né en Thüringen, à Langensalza , en 1679, et qu'il est entré au service de l'ordre, probablement vers 1204. En tout cas, dès son ascension en tant que grand maître, il n'a de cesse de travailler à hisser les Teutoniques au niveau de puissance des Hospitaliers et des Templiers, les engageant dans la cinquième croisade en Égypte, où il joue un rôle de premier plan malgré l'échec de la croisade. Mais surtout, von Salza se rapproche de Frédéric Deus, l'empereur du Saint-Empire romain germanique.
La superpuissance de l'époque, en usant d'un talent rare pour l'époque. En tout cas, rare au vu de l'image traditionnelle d'un chevalier médiéval, puisque là, on parle de l'art de la diplomatie. Son meilleur coup diplomatique est d'ailleurs la sixième croisade menée par Frédéric II lui-même, croisade qui aboutit au traité de Jaffa le 18 février 1229, qui donne la ville de Jérusalem sans combat à Frédéric II, qui en profite d'ailleurs pour se faire couronner roi de Jérusalem. Hermann von Salza reste jusqu'à sa mort un très proche conseiller de l'empereur.
B. Un avenir peu prometteur et pourtant...
Au fur et à mesure, l'Ordre Teutonique renforce sa position dans les États latins et acquiert des places fortes, dont le château de Monfort en 1220, qui devient le siège de l'Ordre Teutonique jusqu'à sa reddition en 1271. Il s'installe également en Europe, multipliant ses commanderies regroupées en bailliages, essentiellement basés dans le Saint-Empire, mais pas qu'eux. On retrouve également des commanderies et des places fortes teutoniques en Grèce, dans le sud de l'Anatolie, en Italie, dans la péninsule Ibérique et dans le royaume de France. Il y a effectivement six commanderies teutoniques à cette époque en France. En plus de cela, l'ordre reçoit de nombreux privilèges. Les frères Teutoniques échappent à la tutelle des évêques, peuvent percevoir l'impôt de la dîme, collectent les impôts à leur profit, obtiennent une grande autonomie sur leurs terres et également le droit de porter officiellement la marque distinctive de l'Ordre Teutonique. Le manteau blanc à croix noire. Malgré le succès de la septième croisade, la position des États latins reste précaire au Moyen-Orient. Dès 1239, Jérusalem est définitivement perdu pour les croisés.
Ensuite, ces États chrétiens sont entourés de voisins hostiles. Les populations chrétiennes locales sont trop peu nombreuses. Les croisés venant d'Europe viennent faire une croisade, mais ils sont relativement peu nombreux à prendre racine sur place. La majorité rentre au pays une fois le pèlerinage accompli. D'ailleurs, les factions locales sont profondément divisées entre les barons locaux et les partisans de l'empereur Frédéric II, puis entre les Vénitiens et les Génois. Bref, un beau bordel qui ne pousse pas à l'optimisme quant à l'avenir de ces États.
C. De nouveaux horizons
Assez tôt, l'Ordre des Teutoniques va se tourner vers d'autres horizons que celui des États latins d'Orient, s'inscrivant ainsi dans le cadre d'un élargissement de la définition de la croisade. La Reconquista, par exemple, et la conversion par les armes de peuples païens, quels qu'ils soient, s'inscrivent désormais dans cette définition. Par contre, n'allez pas croire que les Teutoniques abandonnent le royaume de Jérusalem. Ils participent activement aux croisades menées par le roi Louis IX, qui auraient apparemment beaucoup apprécié le raid, ainsi qu'à la défense de Saint-Jean-d'Acre en 1291, menant un dernier baroud d'honneur aux côtés des autres ordres de moines chevaliers avant la chute finale de la ville et des États latins d'Orient. Une première occasion d'implanter l'ordre ailleurs qu'en Terre sainte intervient en 1211, lorsque le roi de Hongrie André II invite les Teutoniques à s'installer en Transylvanie, pour combattre.
Les Teutoniques sont donc envoyés pour combattre les incursions de peuples nomades, les Coumans. André II leur fait don du pays, les invitant à y installer des colons allemands qui développent alors l'agriculture, l'artisanat, la pêche, l'exploitation des forêts. Ils y sont dispensés de taxes et ont même le droit à la moitié des revenus des mines d'or et d'argent. Sauf qu'au bout d'un moment, le roi André II soupçonne les Teutoniques de prendre un peu trop leurs aises et de vouloir garder le pays pour eux seuls. La décision du pape de confirmer la possession de ses terres teutoniques met feu aux poudres. Et en 1225, le roi de Hongrie fait expulser l'ordre Teutonique, mais pas les colons allemands dont leurs lointains descendants peuplent encore la contrée de nos jours. Cet échec sert de leçon pour Hermann von Salza, qui prévoyait probablement de créer un État uniquement au service de l'Ordre des chevaliers teutoniques. Par la suite, il s'emploie donc à ne plus, comme le dit si bien l'expression française : "travailler pour le roi de Prusse".
D. Une opportunité immanquable
Une occasion très intéressante se présente en 1225, le duc polonais Conrad de Mazovie appelle les chevaliers teutoniques à le soutenir dans sa lutte contre les populations païennes de Prusse. En effet, depuis plus de 200 ans, les populations du bord de la Baltique résistent à la conversion au catholicisme. Le pape Célestin III a bien lancé les croisades baltes en 1193 et un autre ordre de moines chevaliers, l'Ordre des Chevaliers Porte-Glaive, s'est même constitué en 1202 en Livonie. Mais la situation n'avance pas et les Baltes se payent même le luxe de contre-attaquer, faisant des incursions dans le duché de Mazovie. L'Ordre créé pour l'occasion, celui des porte-glaive, est d'ailleurs écrasé en 1236 par les populations locales durant la bataille du Soleil. Mais hors de question pour Hermann von Salza de se précipiter. Il veut d'abord assurer ses arrières et il finit par obtenir ce qu'il veut. L'Empereur Frédéric II lui assure la pleine possession des terres que l'ordre réussira à conquérir par la bulle d'or de Rimini en 1226. En 1230, le duc Conrad de Mazovie cède aux chevaliers teutoniques le pays de Chełmno et abandonne toute prétention sur les territoires que l'Ordre pourrait conquérir. Par la suite, c'est le pape, dans sa bulle d'or de Rieti en 1234, qui place les territoires de l'Ordre Teutonique sous la seule autorité du Saint-Siège.
2) Une guerre interminable pour les Chevaliers Teutoniques
Dès 1231, les chevaliers teutoniques se lancent à l'assaut de la Prusse. Débutant une guerre qui s'étale sur plus de soixante ans. C'est dans un premier temps, la progression est rapide. Le pays de Chełmno, situé dans l'actuelle Pologne, est conquis en moins de deux ans. La progression marque le pas par la suite et il faut Teutoniques dix ans pour soumettre toute la Prusse occidentale, solidifiant leur avance en érigeant des forteresses. En 1237, l'Ordre des Chevaliers Porte-Glaive fusionna avec l'Ordre Teutonique, ce qui permet de reconquérir le terrain perdu en Livonie l'année précédente et même de tenter à nouveau de conquérir des territoires. En 1242, l'Ordre subit un sérieux revers à la bataille du lac Peipus face à l'armée du prince Alexandre Nevski, ce qui stoppe son avance dans le Nord, mais ne l'empêche pas de continuer à progresser en Prusse, même si là aussi, ils ont eu quelques problèmes... En effet, les Prussiens se révoltent par deux fois contre l'envahisseur, une première fois de 1242 à 1249, puis une nouvelle fois de 1260 à 1283, où ils sont à deux doigts de battre l'Ordre Teutonique. Mais ce dernier se ressaisit, durcissant son attitude envers les locaux, n'hésitant plus à ravager le pays et à réduire la population en esclavage. De 170 000 vers l'an 1200. Les Prussiens ne sont plus que 90 000 vers 1300. Une fois la conquête achevée, l'Ordre Teutonique travaille à consolider ses possessions en fondant des villes Königsberg, Mehmels, Thorn et des châteaux Mariembourg. Et en encourageant la colonisation du pays par des colons allemands et polonais, ce qui est appelé par la suite le premier Drang nach Osten. La marche vers l'est.
Le déclin militaire de l'Ordre
En 1309, le grand maître de l'Ordre s'installe à Mariembourg, quittant Venise, où s'était installé le siège de l'Ordre après la chute de Saint-Jean-d'Acre, il délaisse ainsi l'espace méditerranéen et confirme l'importance prise par l'État teutonique de la Baltique. À ce stade, l'Empire teutonique est riche, très riche. Il exporte énormément de bois, de céréales et d'ambres. Plusieurs villes Teutonique adhèrent à la Ligue de la Hanse, puissante guilde qui regroupe les grandes villes marchandes d'Europe du Nord. Il contrôle toutes les embouchures des fleuves de la Vistule, du Niémen et de la Daugava, véritables autoroutes commerciales de l'Europe de l'Est médiévale, n'hésitant pas à prélever taxes et péages, ainsi qu'une part sur les échanges commerciaux de ces marchands. Mais toute cette richesse ne reste pas à dormir dans les coffres de Mariembourg. Elle sert aux croisades. Car oui, même si la Prusse et la Livonie sont christianisées, la Lituanie résiste aux Teutoniques et refuse le catholicisme, ce qui vaut aux Lituaniens de se prendre deux fois par an, une croisade dans la figure n'y a d'ailleurs pas que les Chevaliers de l'Ordre qui y participent depuis la fin des États latins d'Orient. Les pays baltes sont devenus le seul endroit où les croisades sont encore possibles et de nombreux chevaliers venus de toute l'Europe chrétienne y participent. Ces guerres sont également l'occasion pour l'Ordre Teutonique d'agrandir son territoire, allant même jusqu'à annexer en 1309 la Poméranie, territoire pourtant déjà chrétien. Et autant vous dire qu'à l'époque, ça fait grincer pas mal de dents du côté de la Pologne, vu que l'ordre la prive ainsi d'un accès à la mer. Mais bon, cela n'a pas empêché l'ordre de parvenir au sommet de sa puissance en 1398. Et pourtant, s'il est au sommet à ce moment-là, ce qu'il ne sait pas, c'est que son déclin a commencé 12 ans plus tôt, en 1386. Cette année-là, on baptise Ladislas II Agulhon, grand-duc de Lituanie, qui se marie dans la foulée avec la Polonaise Edwige, héritière du royaume de Pologne. La christianisation de la Lituanie faite alors, d'une certaine manière, perdra à l'ordre toute raison d'être vu que les pays voisins sont désormais christianisés. En plus de ça, l'Union de la Lituanie et de la Pologne crée un rival de taille face à l'ordre. Mais pour autant, l'Ordre Teutonique a d'autres chats à fouetter et poursuit ses croisades en Lituanie. Et cela, même si le pape et l'empereur du Saint-Empire le leur interdisent. Mais la Samogitie, anciennes possessions lituaniennes intégrées au domaine Teutonique depuis 1398, se révolte en 1409, ce qui entraîne l'entrée en guerre de la Lituanie et de la Pologne contre l'ordre. Cette guerre voit les Teutoniques se faire écraser à la bataille de Grunwald le 15 juillet 1410.
De manière assez surprenante, les Teutoniques accusent le coup et résistent à l'invasion de la Prusse par les forces polono-lituaniennes, ce qui leur permet de se sortir sans trop de mal de cette première confrontation. Malgré tout, la guerre coûte cher et l'ordre doit payer de grosses indemnités de guerre qu'il règle en levant des taxes. Évidemment, les marchands et les bourgeois des villes prussiennes supportent très mal ces nouvelles taxes et finissent par se regrouper en une ligue, la ligue prussienne, qui déclenche une insurrection et offre la Prusse au roi de Pologne. C'est le début de la guerre de treize ans où l'ordre Teutonique emploie de nombreux mercenaires pour redresser la situation militaire. Mais les mercenaires, ça coûte très cher. Et rapidement, l'ordre arrive au bout de ses moyens financiers. Du coup, les mercenaires se retournent contre leurs employeurs et ouvrent grand les portes de nombreuses forteresses aux Polonais. L'Ordre Teutonique est vaincu et signe la paix de Thorn le 19 octobre 1466, donnant la Prusse occidentale à la Pologne. L'Ordre Teutonique devient alors en Prusse-Orientale un vassal du roi de Pologne. La capitale de l'État des Teutoniques, passe de Mariembourg cédée à la Pologne à Königsberg. En 1519, une nouvelle guerre éclate entre l'Ordre et la Pologne sur l'initiative du grand maître Albert von Brandeburg-Ansbach, qui s'achève sur une nouvelle défaite teutonique en 1521. Ce n'est pas la guerre qui achève l'ordre en Prusse, mais un mouvement religieux né en 1517 et prôné par Martin Luther, la Réforme protestante.
3) L'État teutonique en déclin
En 1525, la Prusse est déjà largement gagnée par la nouvelle religion et le grand maître Albert von Brandeburg, suite à un voyage à Wittenberg où il rencontre Martin Luther en personne, finit par se convertir au protestantisme le 8 avril 1525. Du coup, il fait ce qu'il reste de l'État teutonique son duché : le Duché de Prusse. Ce qui veut dire qu'en gros, il récupère tout duché pour sa lui et pour ses descendants. C'est d'ailleurs les débuts de l'État prussien qui, bien plus tard, sera le moteur de l'unification allemande. Mais n'allons pas encore si loin dans l'avenir et revenons en 1525 à l'Ordre Teutonique, qui n'est pas en très grande forme. La transformation de l'État teutonique en duché a surpris pas mal de monde et l'ordre doit alors se réorganiser dans l'urgence. Walther von Cronberg, maître d'Allemagne, à savoir celui qui vient juste après le grand maître et qui dirige les commanderies situées dans le Saint-Empire, prend la tête de l'ordre, devenant ainsi administrateur de la maîtrise. Il installe le siège de l'Ordre à Mergentheim. Il fait alors deux choix, faire se replier l'ordre dans le Saint-Empire et chercher à s'assurer le soutient de l'empereur.
Au passage, ce repli et cette réorganisation laissent la branche Livonienne de l'Ordre, qui est toujours fidèle aux Teutoniques, sacrément seuls face à la puissance montante de la Russie du tsar Ivan IV le Terrible. Et en 1562. Elle devient elle aussi un duché vassal de la Pologne. En même temps, l'Ordre à fort à faire dans l'Empire même, l'Allemagne centrale est en pleine révolution paysanne. Les désertions au sein de l'ordre se multiplient, les adhésions déclinent et les princes locaux, catholiques comme protestants, en profitent pour mettre fin aux privilèges des commanderies teutoniques basés sur leurs terres. Du moins, quand ils ne vont pas jusqu'à prendre possession directement des commanderies, l'ordre en perd d'ailleurs plus d'une cinquantaine. Et on ne peut pas trop leur en vouloir à ces princes puisque finalement, à quoi peut servir un ordre de moines chevaliers qui n'a plus de raison de se battre. On pourrait, sans exagérer, se dire que pour l'ordre, les carottes sont cuites, mais en fait, pas vraiment. Il survit tant bien que mal à la Réforme protestante. Mais il laisse de nombreuses plumes. L'Ordre Teutonique perd énormément de son influence. Il se retrouve sans le sou et sa puissance n'est plus qu'un souvenir.
A. L'Ordre perd son indépendance et pas que...
Le rapprochement avec les Habsbourg d'Autriche, la dynastie qui détient la couronne impériale depuis 1452, s'est avéré payant, vu qu'il a permis à l'ordre de se réformer et de survivre. Mais c'est au prix d'une grande partie de son indépendance, puisqu'il devient un simple satellite de la famille des Habsbourg. À partir de 1590, tous les grands maîtres de l'ordre Teutonique sont des membres de cette dynastie. Il faut se rendre à l'évidence, les chevaliers teutoniques ne sont alors plus que l'ombre d'eux même. Il y a bien, vers 1576, un projet d'implanter un État teutonique en Hongrie pour contrer l'avance des Turcs. Mais l'ordre se trouve déjà dans un tel état de délabrement que ce projet ne se réalise pas. Le dernier moment de gloire de l'Ordre a lieu durant la guerre de Candie, en 1667, lorsqu'une expédition teutonique est organisée en Crète pour aider les Vénitiens alors en guerre contre les Turcs. Mais les Turcs s'emparent finalement de l'île en 1669. Un revival carrément raté, donc, d'autant plus que c'est la dernière grande expédition des Teutoniques, il n'y en aura plus jamais d'autres. En 1789, l'ordre n'est plus vraiment grand-chose.
Et voilà qu'éclate la Révolution française. Sous la Révolution, les quelques commanderies encore présentes en France disparaissent et basculent l'une après l'autre dans le domaine civil. De 1789 à 1806, l'Ordre perd près de cinquante-six commanderies. En 1805, durant le traité de Presbourg. Il est acté que le grand maître de l'ordre est désormais désigné par l'empereur d'Autriche et plus par le chapitre général de l'Ordre, enfonçant un peu plus les teutoniques dans le rôle de propriété privée de la dynastie des Habsbourg. Le 24 avril 1809, par un simple décret, Napoléon supprime l'ordre Teutonique dans les territoires faisant partie de la Confédération du Rhin et les princes allemands en profitent pour faire main basse sur les quelque trente et une commanderies qui y restaient. On pourrait croire que c'est la fin pour l'Ordre Teutonique... Et pourtant, il survit...
B. Les Teutons n'ont pas dit leurs derniers mots !
La décision de Napoléon ne concerne en effet que la Confédération du Rhin, mais pas l'empire autrichien, qui n'en fait pas partie. L'Ordre Teutonique peut donc se replier en Autriche et transfère son siège à Vienne. Mais après 1815 et après avoir survécu à Napoléon, l'ordre n'a plus grand-chose, cinq frères chevaliers et 15 frères prêtres. Ce qui les laisse dans une posture assez compliquée. Mais ils recommencent à se développer durant le 19e siècle, créant des couvents de sœurs Teutoniques en 1846, et des couvents de frères teutoniques en 1866, délaissant progressivement son principe militaire pour développer son aspect religieux. Puis arrivent la Première Guerre mondiale et son cortège d'horreurs. Même si, cette fois, on va s'intéresser à l'Autriche. À la fin de la guerre, la dynastie des Habsbourg est chassée du trône de l'Autriche, qui devient une république. La question est alors de savoir ce que les autorités vont faire d'un ordre de moines chevaliers dont les grands maîtres sont des Habsbourg depuis 1590.
L'Ordre s'en sort une nouvelle fois. Eugen von Österreich-Teschen, le dernier grand maître de la famille des Habsbourg, démissionne de sa charge et pour la première fois de toute l'histoire de l'Ordre Teutonique, c'est un prêtre, l'évêque Norbert Kleene, qui est élu à la tête de l'Ordre. Pour confirmer la transformation de l'ordre en organisation cléricale. Il renonce à faire admettre de nouveaux frères chevaliers. Et en 1929, l'Ordre adopte une nouvelle règle qui ferme définitivement l'aspect militaire de l'Ordre Teutonique. Et pour souligner ce changement, les Teutoniques adoptent le nom officiel de frère de l'Ordre allemand de sainte Marie de Jérusalem. Mais une dernière épreuve attend l'Ordre Teutonique, et pas des moindres celle qui débute en 1938 avec l'Anschluss, l'annexion de l'Autriche à l'Allemagne nazie, alors que, paradoxalement, l'image de l'ordre Teutonique médiéval qui marche vers l'est, les armes à la main est récupérée par la propagande du Troisième Reich. Ce qui reste de l'ordre en Autriche est supprimé. Comme la plupart des ordres religieux, le grand maître Robert Shinseki est emprisonné et les membres de l'ordre doivent prendre la fuite. Une partie d'entre eux étant même déportés dans le camp de concentration de Dachau. À la fin de la guerre, non seulement ceux qui ont échappé aux nazis ont souffert des combats de la Libération, mais l'installation des régimes communistes en Tchécoslovaquie et en Yougoslavie met un terme à la présence de l'ordre dans ces pays.
C. L'Ordre Teutonique retrouve son indépendance
Une fois de plus, on pourrait croire que c'est la fin pour l'Ordre Teutonique. Mais toujours pas ! Au contraire, l'Ordre va une nouvelle fois se reconstruire et va même progressivement se réinstaller en Allemagne, ce qui ne s'était pas vu depuis 1809.
Après la chute du rideau de fer en 1989, il se réinstalle même en République tchèque et en Slovénie. Aujourd'hui, l'ordre va mieux. Les Teutoniques ont définitivement tourné la page de leur période militaire. Ils s'investissent désormais dans l'éducation des jeunes et dans les soins aux malades et aux personnes âgées. Ils sont à peu près un millier, dont une centaine de frères et 200 sœurs teutoniques, le reste étant des familiers, c'est-à-dire des civils liés à l'ordre qui s'efforcent de promouvoir ces valeurs. L'Ordre Teutonique, c'est une histoire particulière. Celui d'un ordre de moines chevaliers naît en Palestine, qui s'est forgé un empire au bord de la Baltique. Un empire riche et puissant. Il faut avoir vu l'immense forteresse de Marienbourg pour se rendre compte de la puissance des Templiers de cette époque. Mais il a fini par céder devant les assauts de ses voisins, devant ses propres villes aussi, qui se sont rebellées contre son état monastique, devenu au fil du temps plus intéressé par ses conquêtes que par sa mission de départ, aveuglé par sa propre puissance, il n'a pas vu le changement à temps. Vaincu, l'ordre teutonique aurait eu toutes les raisons de disparaître, traversant de nombreuses crises, mais il a fini par évoluer de l'intérieur, le plus souvent dans la douleur. Et s'il n'est plus aussi puissant que dans le passé, il a fini par retrouver son indépendance...